lundi 4 juin 2012

"La danseuse d'Izu" de Yasunari Kawabata


Prix nobel de littérature en 1968, Yasunari Kawabata ne révéla peut-être jamais aussi bien que dans les nouvelles de La danseuse d'Izu la poésie, l'élégance, le raffinement exquis et la cruauté du Japon.
Chacun de ces récits semble porter en lui une ombre douloureuse qui est comme la face cachée de la destinée.
Un vieillard s'enlise dans la compagnie d'oiseaux, un invalide contemple le monde dans un miroir, et ce miroir lui renvoie d'abord son propre visage dans une sorte de tête-à-tête avec la mort...
Rechercher le bonheur est aussi vain et aussi désespéré que de tenter d'apprivoiser une jeune danseuse, un couple de roitelets ou le reflet de la lune dans l'eau.
Cinq textes (La danseuse d'Izu, Élégie, Bestiaire, Retrouvailles, La lune dans l'eau) limpides et mélancoliques, aussi pudiques sans doute dans l'expression que troublants dans les thèmes.

« La lumière rose est la lumière de l'amour, mais la bleue celle qui guérit vraiment le coeur, et l'orange celle de la sagesse. »

« Quand une fleur se fane ici-bas, son parfum monte jusqu'au ciel ; alors, la même fleur s'épanouit là-haut. Toute la matière du pays de l'esprit est constituée par les parfums qui s'élèvent de la terre. »

« Frappez un la sur le clavier du piano, le la du violon lui répondra. Effleurez une branche du diapason, l'autre lui répondra. Sans doute en va-t-il de même des âmes qui communiquent. »
 
« Les roses dégageaient une senteur violente, et le parfum troublant de quelques arbres fleurissant en juin s'écoulait de la cour du temple. »

« Les oiseaux, animés parce qu'ils vivent, expriment mieux encore le miracle de la nature que les coquillages ou les fleurs, malgré toute leur beauté. »

« La mort d'un oiseau est bien légère. En général, on trouve le cadavre dans la cage au matin. »

« C'était une pensée flottante, la fleur des écumes de cette vie si longtemps solitaire entre ses animaux. »

« Le bord arrondi, rembourré de ouate, la doublure de soie d'une teinte profonde exposée, le kimono de dessous d'une couleur claire qui dépassait – ce bas de robe qui évoquait la peau d'une belle Japonaise et traînait somptueusement à terre, comme pour illustrer le destin galant de la courtisane, lui parut d'une beauté touchante. Cette image éveillait en lui des élans de tristesse mêlée de volupté, délicate mais sans pitié. »

« Vers l'heure où tous les deux traversèrent Yokohama, les teintes du soir, s'élevant du sol, semblaient absorber les ombres allégées, amincies. La puanteur de brûlé, si tenace dans les narines, se dissipait enfin. Les ruines mêmes, ces éternels réceptacles de poussière, se fondaient dans l'automne. »

« Les briques et les tuiles cliquetaient sous ses pas, tandis qu'il s'avançait avec précaution vers un mur, mais il s'aperçut soudain que ce mur se dressait comme une feuille isolée de paravent, debout encore alors que tout le reste du bâtiment avait été détruit par l'incendie. Il en reçut un choc. Sur la ligne de crête, déchiquetée en biais, pesait l'obscurité, crocs de la nuit menaçante, brûlure puante qui l'aspirait. »

« "Dans la glace, le ciel brille comme de l'argent", fit-elle un jour, puis levant les yeux pour regarder par la fenêtre, elle ajouta : "tandis que l'autre est gris, nuageux." »

« On ne connaît que le reflet de son visage ; ces traits qui vous sont si personnels, uniques, vous demeurent invisibles. On se touche la figure chaque jour, comme si les traits que renvoie le miroir étaient ceux de votre vrai visage... »

« Le visage, ce qu'il y a de plus personnel chez les humains, semblerait n'être destiné qu'à la vue des autres. En serait-il de même de l'amour ? »

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