Prix nobel de littérature en 1968,
Yasunari Kawabata ne révéla peut-être jamais aussi bien que dans
les nouvelles de La danseuse d'Izu la poésie,
l'élégance, le raffinement exquis et la cruauté du Japon.
Chacun de ces récits semble porter en
lui une ombre douloureuse qui est comme la face cachée de la
destinée.
Un vieillard s'enlise dans la compagnie
d'oiseaux, un invalide contemple le monde dans un miroir, et ce
miroir lui renvoie d'abord son propre visage dans une sorte de
tête-à-tête avec la mort...
Rechercher le bonheur est aussi vain et
aussi désespéré que de tenter d'apprivoiser une jeune danseuse, un
couple de roitelets ou le reflet de la lune dans l'eau.
Cinq textes (La danseuse d'Izu, Élégie,
Bestiaire, Retrouvailles, La lune dans l'eau) limpides et
mélancoliques, aussi pudiques sans doute dans l'expression que
troublants dans les thèmes.
« La lumière rose est la lumière
de l'amour, mais la bleue celle qui guérit vraiment le coeur, et
l'orange celle de la sagesse. »
« Quand une fleur se fane
ici-bas, son parfum monte jusqu'au ciel ; alors, la même fleur
s'épanouit là-haut. Toute la matière du pays de l'esprit est
constituée par les parfums qui s'élèvent de la terre. »
« Frappez un la sur le clavier du
piano, le la du violon lui répondra. Effleurez une branche du
diapason, l'autre lui répondra. Sans doute en va-t-il de même des
âmes qui communiquent. »
« Les roses dégageaient une
senteur violente, et le parfum troublant de quelques arbres
fleurissant en juin s'écoulait de la cour du temple. »
« Les oiseaux, animés parce
qu'ils vivent, expriment mieux encore le miracle de la nature que les
coquillages ou les fleurs, malgré toute leur beauté. »
« La mort d'un oiseau est bien
légère. En général, on trouve le cadavre dans la cage au matin. »
« C'était une pensée flottante,
la fleur des écumes de cette vie si longtemps solitaire entre ses
animaux. »
« Le bord arrondi, rembourré de
ouate, la doublure de soie d'une teinte profonde exposée, le kimono
de dessous d'une couleur claire qui dépassait – ce bas de robe qui
évoquait la peau d'une belle Japonaise et traînait somptueusement à
terre, comme pour illustrer le destin galant de la courtisane, lui
parut d'une beauté touchante. Cette image éveillait en lui des
élans de tristesse mêlée de volupté, délicate mais sans pitié. »
« Vers l'heure où tous les deux
traversèrent Yokohama, les teintes du soir, s'élevant du sol,
semblaient absorber les ombres allégées, amincies. La puanteur de
brûlé, si tenace dans les narines, se dissipait enfin. Les ruines
mêmes, ces éternels réceptacles de poussière, se fondaient dans
l'automne. »
« Les briques et les tuiles
cliquetaient sous ses pas, tandis qu'il s'avançait avec précaution
vers un mur, mais il s'aperçut soudain que ce mur se dressait comme
une feuille isolée de paravent, debout encore alors que tout le
reste du bâtiment avait été détruit par l'incendie. Il en reçut
un choc. Sur la ligne de crête, déchiquetée en biais, pesait
l'obscurité, crocs de la nuit menaçante, brûlure puante qui
l'aspirait. »
« "Dans la glace, le ciel
brille comme de l'argent", fit-elle un jour, puis levant les
yeux pour regarder par la fenêtre, elle ajouta : "tandis que
l'autre est gris, nuageux." »
« On ne connaît que le reflet de
son visage ; ces traits qui vous sont si personnels, uniques, vous
demeurent invisibles. On se touche la figure chaque jour, comme si
les traits que renvoie le miroir étaient ceux de votre vrai
visage... »
« Le visage, ce qu'il y a de plus
personnel chez les humains, semblerait n'être destiné qu'à la vue
des autres. En serait-il de même de l'amour ? »
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