Serge Mouret est le prêtre d'un pauvre
village, quelque part sur les plateaux désolés et brûlés du Midi
de la France. Barricadé dans sa petite église, muré dans les
certitudes émerveillées de sa foi, assujetti avec ravissement au
rituel de sa fonction et aux horaires maniaques que lui impose sa
vieille servante, il vit plus en ermite qu'en prêtre. A la suite
d'une maladie, suivie d'une amnésie, il découvre dans un grand
parc, le Paradou, à la fois l'amour de la femme et la luxuriance du
monde. Une seconde naissance, que suivra un nouvel exil loin du
jardin d'Eden. Avec cette réécriture naturaliste de la Genèse,
avec ce dialogue de l'ombre et du soleil, des forces de vie et des
forces de mort, du végétal et du minéral, Zola écrit certainement
l'un des livres les plus riches, stylistiquement et symboliquement de
sa série des Rougon-Macquart.
« L'arbre a une ombre dont le
charme fait mourir...Moi, je mourrais volontiers aussi. Nous
coucherions aux bras l'un de l'autre ; nous serions morts, personne
ne nous trouverait plus. »
« Il pleuvait là de larges
gouttes de soleil. L'astre y triomphait, y prenait la terre nue, la
serrait contre l'embrasement de sa poitrine. »
« On y entrait comme dans le
cristal d'une source, au milieu d'une limpidité verdâtre, nappe
d'argent assoupie sous un reflet de roseaux. Couleurs, parfums,
sonorités, frissons, tout restait vague, transparent, innomé, pâmé
un bonheur allant jusqu'à l'évanouissement des choses. Une langueur
d'alcôve, une lueur de nui d'été mourant sur l'épaule nue d'une
amoureuse, un balbutiement d'amour à peine distinct, tombant
brusquement à un grand spasme muet, traînaient dans l'immobilité
des branches, que pas un souffle n'agitait. Solitude nuptiale, toute
peuplée d'êtres embrassés, chambre vide, où l'on sentait quelque
part, derrière les rideaux tirés, dans un accouplement ardent, la
nature assouvie aux bras du soleil. »
« Oh ! Daigne permettre que je
disparaisse, que je m'absorbe dans ton être, que je sois l'eau que
tu bois, le pain que tu manges. Tu es ma fin. Depuis que je me suis
éveillé au milieu de ce jardin, j'ai marché à toi, j'ai grandi
pour toi. Toujours comme but, comme récompense, j'ai vu ta grâce.
Tu passais dans le soleil, avec ta chevelure d'or ; tu étais une
promesse m'annonçant que tu me ferais connaître, un jour, la
nécessité de cette création, de cette terre, de ces arbres, de ces
eaux, de ce ciel, dont le mot suprême m'échappe encore... Je
t'appartiens, je suis esclave, je t'écouterai, les lèvres sur tes
pieds. »
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