lundi 4 juin 2012

"La Faute de l'abbé Mouret" d'Emile Zola


Serge Mouret est le prêtre d'un pauvre village, quelque part sur les plateaux désolés et brûlés du Midi de la France. Barricadé dans sa petite église, muré dans les certitudes émerveillées de sa foi, assujetti avec ravissement au rituel de sa fonction et aux horaires maniaques que lui impose sa vieille servante, il vit plus en ermite qu'en prêtre. A la suite d'une maladie, suivie d'une amnésie, il découvre dans un grand parc, le Paradou, à la fois l'amour de la femme et la luxuriance du monde. Une seconde naissance, que suivra un nouvel exil loin du jardin d'Eden. Avec cette réécriture naturaliste de la Genèse, avec ce dialogue de l'ombre et du soleil, des forces de vie et des forces de mort, du végétal et du minéral, Zola écrit certainement l'un des livres les plus riches, stylistiquement et symboliquement de sa série des Rougon-Macquart.


« L'arbre a une ombre dont le charme fait mourir...Moi, je mourrais volontiers aussi. Nous coucherions aux bras l'un de l'autre ; nous serions morts, personne ne nous trouverait plus. »

« Il pleuvait là de larges gouttes de soleil. L'astre y triomphait, y prenait la terre nue, la serrait contre l'embrasement de sa poitrine. »

« On y entrait comme dans le cristal d'une source, au milieu d'une limpidité verdâtre, nappe d'argent assoupie sous un reflet de roseaux. Couleurs, parfums, sonorités, frissons, tout restait vague, transparent, innomé, pâmé un bonheur allant jusqu'à l'évanouissement des choses. Une langueur d'alcôve, une lueur de nui d'été mourant sur l'épaule nue d'une amoureuse, un balbutiement d'amour à peine distinct, tombant brusquement à un grand spasme muet, traînaient dans l'immobilité des branches, que pas un souffle n'agitait. Solitude nuptiale, toute peuplée d'êtres embrassés, chambre vide, où l'on sentait quelque part, derrière les rideaux tirés, dans un accouplement ardent, la nature assouvie aux bras du soleil. »

« Oh ! Daigne permettre que je disparaisse, que je m'absorbe dans ton être, que je sois l'eau que tu bois, le pain que tu manges. Tu es ma fin. Depuis que je me suis éveillé au milieu de ce jardin, j'ai marché à toi, j'ai grandi pour toi. Toujours comme but, comme récompense, j'ai vu ta grâce. Tu passais dans le soleil, avec ta chevelure d'or ; tu étais une promesse m'annonçant que tu me ferais connaître, un jour, la nécessité de cette création, de cette terre, de ces arbres, de ces eaux, de ce ciel, dont le mot suprême m'échappe encore... Je t'appartiens, je suis esclave, je t'écouterai, les lèvres sur tes pieds. »

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