lundi 4 juin 2012

"Le coeur innombrable" de Anna de Noailles



Poétesse et romancière du début du 20ème siècle, Anna de Noailles a connu le succès dès la parution de son recueil de poésie Le Cœur innombrable.
Personnage incontournable de la vie parisienne (elle était née princesse Bibesco-Brancovan), cette Roumaine d’origine était l’épouse de Matthieu de Noailles.
Son lyrisme passionné s’exalte dans une œuvre qui développe, d’une manière très personnelle, les grands thèmes de l’amour, de la nature et de la mort.
Elle devint le poète de toute une génération qui trouva dans son style poétique de nouvelles émotions, une fraîcheur sensuelle non dépourvu d’une réelle exigence stylistique.


« Nuits où meurent l’azur, les bruits et les contours,
Où les vives clartés s’éteignent une à une,
Ô nuit, urne profonde où les cendres du jour
Descendent mollement et dansent à la lune.
Jardin d’épais ombrage, abri des corps déments,
Grand cœur en qui tout rêve et tout désir pénètre
Pour le repos charnel ou l’assouvissement,
Nuit pleine des sommeils et des fautes de l’être. »

« Viens dans le bois feuillu, sous la fraîcheur des branches.
O pleureuse irritée et chaude du désir,
La nature infinie et profonde se penche
Sur ceux qui vont s’unir et souffrir de plaisir. »

« Toi qui dans la forêt mouvante
Troubles la sève sous l’écorce,
Et joins, aux heures violentes,
La soumission et la force. »

« Le frivole soleil et la lune pensive
Qui s’enroulent au tronc lisse des peupliers
Refléteront en nous leur âme lasse ou vive
Selon les clairs midis et les soirs familiers. »

« Semblables à des fleurs qui tremblent sur leur tige,
Les désirs ondoyants se balancent au vent,
Et l’âme qui s’en vient soupirant et rêvant
Se sent mourir d’espoir, d’attente et de vertige. »

« Être dans la nature ainsi qu’un arbre humain,
Étendre ses désirs comme un profond feuillage,
Et sentir, par la nuit paisible et par l’orage,
La sève universelle affluer dans ses mains. »

« Sentir, dans son cœur vif, l’air, le feu et le sang
Tourbillonner ainsi que le vent sur la terre ;
- S’élever au réel et pencher au mystère,
Être le jour qui monte et l’ombre qui descend. »

« Le vent qui vient mêler ou disjoindre les branches
A de moins brusques bonds
Que le désir qui fait que les êtres se penchent
L’un vers l’autre et s’en vont. »


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