Tristesse et Beauté est le dernier
roman qu'écrivit Kawabata et aussi sûrement le plus torturé.
Oki Toshio, écrivain célèbre,
entreprend de renouer avec son passé en se rendant à Kyoto pour y
écouter, la veille du jour de l'An, les cloches des monastères qui
sonnent le passage d'une année à l'autre. Ce faisant, il espère
revoir celle qui fut sa maîtresse plus de vingt années auparavant :
Otoko, à présent peintre de renom installée à Kyoto. Otoko vit
avec Keiko, une jeune fille d'une saisissante beauté, nature ardente
et implacable qui s'emploiera à mener à bien une singulière
vengeance, dont l'issue tragique rendra à jamais vaine toute
tentative d'Oki pour ressusciter le passé...
« Oki se leva et alla devant la
glace. Son nœud de cravate était impeccable. De la paume de sa
main, il essuya énergiquement son visage en sueur et légèrement
gras. Après avoir ainsi violé cette enfant, il ne pouvait supporter
la vue de son propre visage. Il vit dans la glace le visage de la
jeune fille s'avancer vers lui. Il fut frappé par sa fraicheur et sa
poignante beauté. Stupéfait par cette incroyable beauté, Oki se
retourna. Otoko posa sa main sur son épaule et, blottissant
doucement sa tête contre sa poitrine, lui dit simplement : "Je
vous aime." »
« Oki avait trouvé singulier
qu'une enfant de seize ans ans appelât "petit garçon"
un homme de trente et un ans. »
« - Tes oreilles ont une forme
ravissante et il se dégage de ton profil comme une beauté féérique
! Remarqua Oki. »
« "Nous somme en sueur.
Nous devrions faire un brin de toilette avant le dîner..., dit Oki,
en se frottant le visage de sa main. Keiko, si nous jouions aux
dauphins ?
-Ce que vous dites est odieux ! Parler
de moi comme si j'étais un dauphin... Tenez-vous absolument à
m'humilier ? Jouer aux dauphins !..." »
« Sans se soucier le moins du
monde d'être aperçue des clients voisins, Keiko mordit férocement
le petit doigt d'Otoko. La douleur saisit Otoko au ventre, mais elle
ne retira pas son doigt et ne dit rien. La langue de Keiko jouait
avec l'extrémité du petit doigt. »
« "Comment comptez-vous vous
venger de moi, Keiko...? demanda Taichiro, d'une voix sèche.
- Comment je conçois ma vengeance ?
Mais si je vous le disais, il n'y aurait plus de vengeance...
Peut-être le ferais-je en tombant amoureuse de vous..." Ses
yeux prirent une expression lointaine, comme si elle regardait la
route qui longe la berge opposée de la rivière "Cela ne vous
semble pas amusant ?
- Pas le moins du monde. Ainsi, votre
vengeance consisterait à tomber amoureuse de moi...?" »
« Keiko ouvrit les yeux. Des
larmes y brillaient lorsqu'elle les leva vers Otoko. »
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