dimanche 15 juillet 2012

"Lettre d'une inconnue" précédé de "Amok" de Stefan Zweig


Avec les trois nouvelles qui composent ce recueil, Sefan Zweig nous plonge dans l'enfer de la passion, l' enfer au fond duquel se tord, brûlé, mais éclairé par les flammes de l'abîme, l'être essentiel, la vie cachée.
Dans Amok, un jeune médecin raconte comment, dans la jungle malaise, sa vie a basculé en quelques instants, comment une jeune femme jusque-là inconnue a déchaîné en lui l'amour et la folie.
S'en suit Lettre d'une inconnue. Un amour total, passionnel, désintéressé, tapi dans l'ombre, n'attendant rien en retour que de pouvoir le confesser. Une blessure vive, la perte d'un enfant, symbole de cet amour que le temps n'a su ni effacer ni entamer. L'être aimé objet d'une admiration infinie mais lucide. Une déclaration fanatique, fiévreuse, pleine de tendresse et de folie. La voix d'une femme qui se meurt doucement, sans s'apitoyer sur elle-même, tout entière tournée vers celui qu'elle admire plus que tout. La voix d'une femme qui s'est donnée tout entière à un homme, qui jamais ne l'a reconnue.
La ruelle au clair de lune nous entraîne jusqu'au plus profond de l'humiliation où la passion - toujours elle - peut parfois faire tomber l'être humain.

 
« Ouvre-toi, monde souterrain des passions !
Et vous, ombres rêvées, et pourtant ressenties,
Venez coller vos lèvres brûlantes aux miennes,
Boire à mon sang le sang, et le souffle à ma bouche !

Montez de vos ténèbres crépusculaires,
Et n'ayez nulle honte de l'ombre que dessine autour de vous la peine !
L'amoureux de l'amour veut vivre aussi ses maux,
Ce qui fait votre trouble m'attache aussi à vous.

Seule la passion qui trouve son abîme
Sait embraser ton être jusqu'au fond ;
Seul qui se perd entier est donné à lui-même.

Alors prends feu ! Seulement tu t'enflammes,
Tu connaîtras le monde au plus profond de toi !
Car au lieu seul où agit le secret, commence aussi la vie. »

Je veux te révéler toute ma vie, cette vie qui véritablement n'a commencé que du jour où je t'ai connu. Auparavant, ce n'était qu'une chose trouble et confuse, dans laquelle mon souvenir ne se replongeait jamais ; c'était comme une cave où la poussière et les toiles d'araignée recouvraient des objets et des êtres aux vagues contours, et dont mon cœur ne sait plus rien. »

« Jamais, jamais je ne t'accuserai, non ; mais au contraire, toujours je te remercierai, car elle a été pour moi bien riche et bien éclatante de volupté, cette nuit, bien débordante de bonheur. Quand j'ouvrais les yeux dans l'obscurité et que je te sentais à mon côté, je m'étonnais que les étoiles ne fussent pas au-dessus de ma tête, tellement le ciel me semblait proche. »

« Et sur ton bureau se trouvait le vase avec les roses, mes roses, celles que je t'avais envoyées le jour précédent, à l'occasion de ton anniversaire et en souvenir d'une femme que tu ne te rappelais cependant pas, que tu ne reconnaissais pas, même maintenant qu'elle était près de toi, que ta main tenait sa main, que tes lèvres pressaient ses lèvres. »

« Son regard tomba alors sur le vase bleu qui se trouvait devant lui sur son bureau. Il était vide, vide pour la première fois au jour de son anniversaire. Il eut un tressaillement de frayeur. »


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